Ce qui me semble essentiel à l’école, en colonie de vacances ou pour le développement personnel en général, c’est d’être “à fond” dans les activités qu’on fait. Voici mon hypothèse la plus importante : une personne qui s’investit à fond dans une activité ne perd pas son temps, même si elle en donne parfois l’impression de l’extérieur.
[modifications du 17 août 2006 : cette hypothèse est valable dans la plupart des cas, mais pas toujours ! Elle reste fondamentale, mais il faut l’exclure dans deux cas. D’une part, une personne qui s’investit à fond dans une activité peut le regretter après coup, mais recommencer quand même (par exemple, des jeux d’ordinateur). C’est un phénomène addictif et la personne veut elle-même en sortir. Dans ce cas, “être à fond dedans” n’est pas forcément constructif. D’autre part, même si la personne ne regrette pas l’activité dans laquelle elle s’investit à fond, il est parfois constructif qu’une autre personne la contraigne à se limiter dans cette activité, dans le but qu’elle s’ouvre à d’autres activités (dans ce cas, il faut que l’environnement soit stimulant, et que la personne contrainte s’approprie la contrainte de limitation très rapidement, sinon, je pense que cela ne peut pas être constructif !). Un exemple, après que des parents aient essayé sans succès que des enfants se mettent leur propres contraintes pour limiter leur temps passé devant l’ordinateur, ils leurs imposent de se limiter à 2 heures par jour, et les enfants intègrent cette limite sans que les parents aient besoin d’intervenir dans la suite…]
Mais comment aider quelqu’un à avoir envie de s’investir à fond dans une activité ? C’est ce que j’ai essayé de synthétiser dans le schéma ci dessus ! Le but est d’arriver à atteindre le rectangle en haut à droite…
Cliquez sur l’image pour voir tout cela en plus grand encore ! Puis, pour revenir ici, appuyez sur le bouton “Précédent” de votre navigateur…
Un môme dont l’environnement familial est stimulant (souvent d’un milieu socio-culturel favorisé) va pouvoir faire des activités parce qu’elles lui plaisent (case en haut à gauche). Elles sont souvent très rudimentaires, mais personne ne vient s’en offusquer. Je pense que le fait d’être à fond dans ces activités rudimentaires lui permet de développer des désirs de plus en plus élaborés (en vert sur le schéma). Ce développement des désirs lui permettra d’être à fond dans certaines des activités scolaires demandés (d’être à fond dès le début ou de prendre les “chemins bleus” du schéma). Les autres mômes risquent de ne pas avoir suffisamment de désirs pour cela…
Dans l’école traditionnelle (j’y inclus la pédagogie active), un môme commence souvent une activité parce qu’il est forcé (par la note par exemple) ou parce qu’il fait confiance au système scolaire (les 2 cases du bas à gauche). Le pari de l’instit est que le môme va découvrir que l’activité est intéressante et va s’impliquer. Il me semble que cela peut effectivement arriver… Mais :
- ça n’arrive pas tout le temps et dans ce cas, les conséquences sont terribles : le môme se dégoûte de l’activité, s’ennuie, perd son temps, s’enrage contre l’école et l’instit… (case du bas à droite)
- même si ça arrive – souvent quand le môme a déjà des désirs bien développés -, il peut y avoir des “dégâts collatéraux” : ce n’est pas systématique, mais le môme peut perdre confiance dans sa capacité à savoir lui-même ce qui pourrait lui plaire on non…
Ce passage par la confiance (case du milieu à gauche) peut donc par exemple encourager des phénomènes sectaires… Il s’agit de faire attention ! Dans des groupes de développement personnel pour adultes auxquels je participe, on passe parfois par là. Par exemple, lorsque l’animateur propose une activité, qu’on ne la “sent” pas trop, mais qu’on l’accepte parce qu’on a un peu la flemme, et parce que le reste du groupe a l’air de trouver que c’est une très bonne idée d’activité… Il se peut alors qu’on emprunte le chemin “bleu” et qu’on se retrouve à être à fond dans l’activité. C’est une prise de conscience pour moi. J’en parlerai plus longuement dans un prochain billet 🙂
slt Guilain!
Contente de voir que toi en tout cas tu es tjs “à fond dedans” 😉
Interessant ton propos, si tu veux je te ferais par de mes expériences a la rentrée je compte animer certains ateliers au Steac Frit (de l’impro théatrale) et notamment avec les nouvelles recrues d’octobre… proposer des exercices qui plaisent aux anciens et aident les nouveaux à se lancer n’est pas tjs simple!
a bientôt sur ce site je pense
Super intéressant ce texte synthétique faisant suite au travail http://3type.marelle.org/?wiki=Attitudes
Je partage complètement ce point de vue mais je vais essayer de me faire l’avocat du diable.
Un jour, j’étais à fond dans le jeu TETRIS. Jusqu’à quel point je ne perdais pas mon temps ? Est-ce que cela contribuait à mon développement personnel ?
Je me souviens avoir supprimé le logiciel de mon disque dur pour ne plus passer du temps dessus. Si je ne l’avais pas fait, j’y aurais rejoué …
Merci Philippe 🙂
Tiens, moi c’est pareil avec les jeux d’ordinateurs. Au lycée, j’y jouais beaucoup, puis après y avoir joué, je me disais : “t’es con Guilain, t’as un peu perdu ton temps, tu pourrais faire d’autres trucs plus intéressants, etc.”
Je m’en suis sorti comme toi : je me suis moi-même fixé une contrainte (j’ai fini par en trouver une qui a marché : “j’ai le droit de m’interdire de jouer à l’ordinateur d’un jour pour le lendemain, et je respecte cette interdiction”). Bref, je ne joue plus maintenant 🙂
Le truc essentiel, là-dedans, c’est qu’on s’est tout les deux dit : “je ne veux plus passer du temps à ça”. Donc on était à fond dedans OK, mais avec un rejet du truc une fois qu’on avait fini. A ce moment là, c’est une drogue, et il est intéressant de s’aider ou d’aider les autres à s’en sortir.
Autrement dit, si un môme est à fond dans TETRIS, et qu’après, il est content d’avoir passé plein de temps dessus, alors, d’après moi, c’est du tout bon ! S’il regrette après, alors, c’est constructif de l’aider à s’en sortir !
Bien sûr cela vaut si l’environnement est stimulant ! S’il fait du TETRIS parce que y’a rien d’autre à faire et que de toute façon, sinon, il s’emmerde, c’est pas du tout bon du tout 😉
J’aime vraiment cette approche analytique de Guilain à propos du
« Etre à fond dedans ou ne pas l’être »…
J’ai particulièrement accroché à la notion de désirs bien développés selon les individus et leur histoire… La différence de capital entre individus me paraissait tout à fait évidente, mais pas exprimé de cette façon…
Le deuxième aspect qui me plait, est celui qui évoque la notion de perte de confiance dans sa propre capacité à savoir ce qui est bon pour soi ou non dans les activités proposées dans les méthodes traditionnelles y compris dans les méthodes actives. Je connais un instit qui use énormément des méthodes actives et, à part le fait que j’avais conscience que ce faisant il était dans la toute puissance vis-à-vis des enfants et des conséquences néfastes que cela suppose, je n’arrivais pas à mettre des mots sur lesdites conséquences sur les enfants. Ca y est c’est fait…
Par ailleurs la remarque de Philippe est éclairante concernant la question de savoir si une activité faite à fond permet toujours un développement personnel…
Autrement dit comment repérer les bonnes des pas bonnes ? Celles qui nous développent et celles qui ne nous développent pas ?
Pour tenter de répondre à cette question, il me semblerait nécessaire de se pencher sur une définition du développement personnel, un peu à l’image du cadre dessiné par Guilain pour décrire la démarche du « Etre à fond dedans ou non »…
Toute proportion gardée, c’est un peu comme une preuve par 9. Je procède à une opération, et je vérifie ensuite si elle est bonne en utilisant un système. Pour passer au stade de la vérification, il faut établir des critères d’excellence en aval, afin de pouvoir les mettre en regard de l’opération effectuée. Soit l’opération est bonne soit elle ne l’est pas, il n’y a pas beaucoup de choix. Très difficile allez-vous me dire d’appliquer un processus aussi simple à un comportement humain… C’est vrai, si c’était aussi simple ça se saurait depuis longtemps…
Pour autant, il me semble que si l’on pouvait définir un peu plus avant les grands repères transversaux à une majorité de personnes de ce qu’est le développement personnel, nous pourrions alors les mettre en regard des activités que l’on met en œuvre, à fond ou non, et vérifier ainsi leur validité…
La grande question est donc : « Quels sont les grands critères du développement personnel ? » Après on peut très bien imaginer d’établir chacun sa propre grille de développement…
Francine
Salut Francine 🙂
“Comment repérer les bonnes des pas bonnes ?”
Carl Rogers parle de “centre d’évaluation interne”. Il me semble, à moi aussi, qu’il existe un truc qui nous permet de sentir si “l’opération est bonne ou si elle ne l’est pas”.
Bien que ce truc là soit personnel, et dépende beaucoup des personnes (des expériences vécus, etc.), Michel Lobrot voit quand même quelques “grands repères transversaux” dont tu parles.
Pour quand “l’opération est bonne”, il dit :
“Il s’agit de processus positifs de joie, plaisir, enthousiasme, etc. qui se traduisent par de l’enrichissement et de l’expansion (vibration, mouvement, dilatation). […]
L’organisme se répand, s’étend, se fortifie, s’affirme du point de vue de ses activités et de son influence. On peut dire qu’il se développe, mais en enlevant à ce terme sa connotation biologique. Il se développe au sens d’une extension et d’une expansion, qui créent elles-mêmes des capacités. […]
Ces processus impliquent à la fois la richesse et la diversité du vécu. Certains de ces états peuvent être qualifiés en terme de dépassement, quand ils aboutissent à des créations originales, à des constructions complexes, à des projets à long terme. D’autres au contraire se situent plutôt du côté de la détente et du laisser-aller. […]
Quand cela se produit, nous obtenons nous pas la « réduction de tension », selon la formule réductrice d’une certaine psychologie contemporaine, mais l’euphorie, la satisfaction, le plaisir, qui ressemblent plus à un ouragan qu’à une « morne plaine ». La personne est mise, si l’on peut dire, « en circuit », comme un appareil électrique. Elle vibre et évolue, se transforme et « travaille ». C’est pourquoi le plaisir existe à tous les niveaux de la vie psychologique, depuis la sexualité et la motricité jusqu’à l’intellectualité la plus élevée.”
Voili voulou, mais à la limite, mieux définir ces repères transversaux n’est pas l’essentiel ! L’essentiel, c’est ce que ressent la personne : est ce qu’elle sent que ce qu’elle vient de vivre est bon ou mauvais pour elle ? (“bon ou mauvais ?” par opposition à “bien ou mal ?” qui est de l’ordre de la morale).
Bonjour Guilain 😀
Si je te comprends bien, tu essaies d’objectiver les conditions dans lesquelles une activité exercée à fond ou non est source de développement personnel (ton tableau), pour créer j’imagine une meilleure compréhension du processus psychologique et donc une meilleure maîtrise dudit processus, et par ailleurs tu laisses le soin à chacun de vérifier, au moyen de son centre d’évaluation interne, si l’activité en question correspond réellement à un développement personnel, ce qui est une démarche essentiellement subjective… (phrase un peu longue, désolée)
Pourtant, à la réaction de Philippe prenant Tétris en exemple d’activité exercée à fond, tu réponds en objectivant des critères, je cite:
-Tétris, dans un environnement riche, c’est du tout bon
-Tétris, lorsqu’il n’y a rien à faire d’autre, ce n’est pas du tout bon du tout…
Cela ne signifierait-il pas qu’existent des critères objectifs d’évaluation du développement personnel, à côté de l’évaluation interne qui reste bien entendu centrale, là dessus je suis bien d’accord avec toi…
Merci pour les citations de Carl Rogers, ce qu’il dit à propos d’évaluation interne est évidemment fort intéressant.
Tout d’abord, juste indiquer que j’ai modifié l’article, suite à une discussion avec Anne et Philippe… Qu’en pensez-vous ?
Ensuite, dans le schéma, il faudrait surement changer “développement perso.” en “développement du plaisir”.
Enfin, Francine, quelques précisions :
– les citations sont de Michel Lobrot.
– dans ta phrase “Tétris, dans un environnement riche, c’est du tout bon”, il faut ajouter une autre condition : que la personne ne regrette pas d’avoir joué après coup. Dans ce cas là, c’est du tout bon POUR LE PLAISIR. Et éventuellemen, une autre personne peut décider d’imposer une limite au temps passé sur TETRIS, ce qui peut être constructif, si la personne qui joue au TETRIS s’approprie rapidement cette contrainte limitative.
– pour moi, ça ne remet pas en question le fait qu’il n’existe pas de critères objectifs pour évaluer le développement personnel. La contrainte qu’on peut éventuellement fixer est une contrainte spéciale : on ne contraint pas à faire quelque chose, mais à se limiter par rapport à une activité – et c’est à consommer avec modération : mieux vaut encourager la personne à se fixer elle-même des règles (développement de la volonté)…
Merci et à bientôt 🙂
G: Ensuite, dans le schéma, il faudrait sûrement changer “développement perso.” en “développement du plaisir”.
F : Cette façon de voir le développement perso me convient assez : le plaisir éprouvé et exprimé ne serait-il pas alors un critère d’évaluation de développement personnel ?
G : Enfin, Francine, quelques précisions :
– les citations sont de Michel Lobrot.
– dans ta phrase “Tétris, dans un environnement riche, c’est du tout bon”, il faut ajouter une autre condition : que la personne ne regrette pas d’avoir joué après coup.
F : Honnêtement, lorsque j’ai écrit cela j’avais conscience que j’oubliais une partie de la proposition… C’était pour la réaction…
G : Dans ce cas là, c’est du tout bon POUR LE PLAISIR. Et éventuellement, une autre personne peut décider d’imposer une limite au temps passé sur TETRIS, ce qui peut être constructif, si la personne qui joue au TETRIS s’approprie rapidement cette contrainte limitative.
F : Ok encore d’accord avec toi. Mais si la personne ne s’approprie pas rapidement la contrainte limitative, comment fait-on ?
G : pour moi, ça ne remet pas en question le fait qu’il n’existe pas de critères objectifs pour évaluer le développement personnel. La contrainte qu’on peut éventuellement fixer est une contrainte spéciale : on ne contraint pas à faire quelque chose, mais à se limiter par rapport à une activité – et c’est à consommer avec modération : mieux vaut encourager la personne à se fixer elle-même des règles (développement de la volonté)…
F : Contrainte à se limiter par rapport à une activité, ça me convient… Développement de la volonté c’est d’accord… Mais comment développe-t-on la volonté chez un enfant à partir d’une activité exercée à fond ?… Cela ne se situerait-il pas dans le mouvement de l’adulte, en l’espèce l’instit, imprimant sa propre évaluation sur l’activité exercée par l’enfant, à partir d’une limite qu’il pressent et qu’il exprime alors à son tour à l’enfant… Il établit alors un échange dans le but de faire s’exprimer l’enfant à propos de son absence de plaisir dans la poursuite de son activité ? Dans cette hypothèse, il y a évaluation conjointe de deux personnes dans le cadre d’une négociation. Est-ce que ce serait ça ?
Merci et à bientôt 🙂